Missions
Les missions attribuées au Sanctuaire
par le cardinal-archevêque de Paris, Mgr Jean-Marie LUSTIGER
Homélie d’inauguration du Sanctuaire et réouverture de l’église
le 13 mai 1988
Cette église, trop petite déjà pour vous contenir tous, a une longue et belle histoire dans le diocèse de Paris. Mgr Pézeril en a béni la première pierre de fondation en 1950. Pendant la deuxième guerre mondiale, les Parisiens avaient peur que la ville ne soit détruite par les bombardements. Le Cardinal Suhard, mon prédécesseur, avait fait le vœu que si Paris était épargné, il ferait construire une grande basilique dédiée à la Vierge Marie – qui soit en quelque sorte le pendant du Sacré-Cœur. À la fin de la guerre, comme Paris avait été épargné, le Cardinal Suhard voulut que son vœu fût accompli. Cette église a donc été construite : elle est très belle. Ceux, nombreux parmi vous, qui s’y connaissent en bâtiment, peuvent en vérifier la qualité. Cet édifice est très soigné : regardez l’appareil des pierres, par exemple. Il n’y en a guère de comparable en France ou à Paris à cette époque. Les Chantiers du Cardinal mobilisèrent la générosité des catholiques de Paris qui répondirent avec ferveur.
Or, une fois l’église élevée, s’est passé un événement tout à fait imprévu. En effet, tout ce quartier devait être peuplé par des habitations destinées spécialement aux ouvriers, aux gens de revenus modestes. Mais, on a construit le boulevard périphérique, si bien que cette église s’est trouvée isolée, entre deux voies à grande circulation, dans un terrain vide. Alors, a commencé une période difficile. Marie-Médiatrice a d’abord été une paroisse ; puis, elle a été rattachée à la paroisse voisine : des prêtres qui ont travaillé dans ce secteur et des fidèles, présents ce soir, s’en souviennent. L’église a eu beaucoup de difficulté à vivre. En raison de l’absence de population, la décision douloureuse a été prise de fermer ce lieu de culte. Il en est d’une église fermée comme d’une maison inhabitée. Des gamins sont venus pour s’amuser, des rôdeurs pour chaparder ; brisant les portes, ils ont fait n’importe quoi dans l’église au point que, pour protéger l’édifice, il a fallu obturer tous les orifices avec des parpaings. L’église s’est donc retrouvée complètement murée et on se demandait si un jour elle pourrait servir et à quoi !
En 1981, à peine nommé archevêque de Paris, j’ai été informé par les autorités de la Ville et de l’Etat qu’autour de cette église allait être construit le plus grand hôpital pour enfants de toute la région parisienne et probablement de toute la France (c’est maintenant chose faite, vous l’avez constaté en arrivant jusqu’ici). A ce moment, j’ai pensé que ce projet était providentiel et offrait une chance pour que cette église retrouve son utilité, prenne une nouvelle signification, en raison de sa situation dans le paysage parisien.
Pour tous ceux qui viendraient dans ce quartier maintenant transformé : les pères et mères de famille qui accompagneraient leur enfant malade dans l’espoir de sa guérison, le personnel hospitalier si nombreux qui y travaillerait, cette église, serait un lieu de prière, de supplication, de miséricorde, en raison même de sa dédicace à la Vierge Marie, Mère du Sauveur et Mère des hommes.
Ceci dit, une question primordiale se posait : quels fidèles donneraient vie à ce sanctuaire ?
Un concours de circonstances, providentielles à mes yeux, nous a conduits jusqu’à ce jour. Quelques années après l’annonce du projet de construction de l’hôpital Robert Debré, j’ai été invité, en 1984, par les évêques du Portugal au pèlerinage des Migrants, à Fatima, le 15 août. Ce voyage avait été organisé avec les prêtres chargés de la pastorale des migrants portugais. Le Père Géraldès me servait de guide ; il m’a présenté à Mgr l’Archevêque et aux différents évêques rencontrés alors. À Fatima, en suivant le pèlerinage des Migrants, j’ai saisi que l’église de la Cité universitaire était trop petite. J’avais gardé dans l’esprit le volume de l’église Marie Médiatrice, visitée pourtant de nuit. Entrant dans la basilique de Fatima, j’ai fait le rapprochement des deux sanctuaires : une grande nef, un peu semblable. Je me suis dit : Il faut proposer cette église aux « Portugais-français » (pardonnez-moi cette expression !) pour qu’ils remplissent la mission qui s’impose désormais ici à notre Eglise de Paris.
La fête de Notre-Dame de Fatima éclaire la triple mission que doit remplir ce sanctuaire, la triple mission que je vous confie.
Première mission :
Accomplissez, pour le diocèse de Paris, ce que le Cardinal Suhard a voulu en faisant bâtir cette église. Qu’il y ait un lieu de prière à la Vierge, « Marie Médiatrice », disons-nous en français, « Maria Medianeira de todas as graças », dites-vous en portugais, Marie Mère de toutes grâces, Notre Dame de toutes grâces . Un lieu de supplication incessante à Dieu Notre Père par la Vierge Marie, pour tous les Parisiens. Je ne vous donne pas cette église pour vous. Je vous confie cette église afin qu’elle devienne, grâce à vous, un lieu de prière pour tous les hommes et les femmes qui vivent à Paris. Que tous ceux qui veulent prier trouvent ici un foyer ardent d’intercession, de miséricorde, de bonté. Vous le savez, dans Paris, beaucoup sont perdus qui viennent des quatre coins du monde ; ils se sentent parfois mis de côté, voire rejetés. Chrétiens ils ont au cœur un grand amour de Dieu, du Christ- Jésus, une telle dévotion envers la Vierge Marie. Il faut que dans ce quartier de Paris, ils rencontrent des frères et des sœurs prêts à les accueillir, avec leur propre sensibilité et leur manière de prier.
Je vous confie ce sanctuaire pour les autres : voilà votre première mission. Ce faisant, vous répondrez à la grâce transmise par les trois petits bergers à Fatima, cette grâce de pénitence, de prière, de fidélité qui fait la grandeur de votre peuple. Il faudra que, vous-mêmes, vous fassiez un effort personnel de prière et de sanctification et que vous sachiez partager vos richesses. Le début de la liturgie s’est déroulé en portugais. Frères et sœurs français qui ne comprenez pas le portugais, imaginez-vous ce qu’éprouvèrent les premières générations de migrants quand, dans une église française, ils ne pouvaient pas comprendre un mot, alors qu’ils vivaient chez nous ! Vous, chrétiens du Portugal, maintenant vous parlez et comprenez le français et vos enfants possèdent également ces deux langues. Alors, tout en gardant votre langue maternelle, adaptez-vous à tous et sachez faire la part de la langue française. Partagez le trésor de votre foi et de votre prière en le rendant disponible à tous, les Parisiens mais aussi les migrants de toute nationalité qui ont une dévotion spontanée pour Marie et qui viendront ici, à cause de ce titre : « Notre- Dame de Fatima », chercher refuge, assistance, consolation. Ce lieu de prière et d’intercession, ce lieu d’accueil spirituel où sera toujours offerte la grâce du sacrement de Pénitence, vivra en étroite liaison avec les prêtres du voisinage. Ils ont participé à la réflexion qui a permis de prendre cette décision et ils attendent beaucoup de vous. Je peux vous assurer aussi de leur joie – ils me l’ont confiée – que cette église soit ouverte et que vous lui rendiez vie. Oui, « voici la demeure de Dieu parmi les hommes – nous annonçait saint Jean dans l’Apocalypse (Ap. 21, 3) – ils seront mon Peuple et Dieu-avec-eux sera leur Dieu ». Il vous faudra montrer une véritable fraternité chrétienne : que les fidèles et les prêtres soient unis par un amour sincère, tel que l’apôtre Paul le recommandait aux chrétiens de Rome : » Que l’amour fraternel vous lie d’une mutuelle affection ; rivalisez d’estime réciproque. D’un zèle sans nonchalance, d’un esprit ferme, servez le Seigneur. Soyez joyeux dans l’espérance, patients dans la détresse, persévérants dans la prière » (Rm 12, 10-12).
Deuxième mission :
N’oubliez pas, mes chers amis, que cette église s’élève au centre d’un grand hôpital. D’ores et déjà, sous la responsabilité du Père Golfier, une laïque est chargée de l’équipe d’aumônerie. Car le service des malades demande un engagement précis et l’aide de laïcs, de diacres, de prêtres qualifiées. Mais, placées comme vous l’êtes, au centre de cet ensemble hospitalier, vous imaginez que bien des gens, une fois ou l’autre, auront envie d’entrer dans cette église, en quête de force, de consolation, d’espérance. Il faut donc qu’ils trouvent ici non pas un bâtiment vide et froid, mais la chaleur d’une prière incessante et la présence d’un véritable accueil chrétien fait d’attention, de miséricorde et de compassion. C’est donc une très belle et grande mission que je vous confie. Près de cet hôpital, vous êtes un lieu de prière pour soutenir de toutes vos forces non seulement les malades et leurs proches, mais aussi tous ceux et celles qui œuvrent pour les soigner, les guérir, les soulager, les accompagner. Bien plus, c’est un hôpital d’enfants : à vous donc de savoir partager l’espérance grâce à l’intercession maternelle de Maria, de témoigner à tous la tendresse maternelle de l’Eglise.
Troisième mission :
Vos compatriotes, je le sais, s’arrêteront souvent ici, venant parfois de loin, à l’aller comme au retour du pays. A deux pas du périphérique, votre église est bien placée pour offrir une petite halte. Vous devez donc être un relais de la mémoire chrétienne, un lieu d’accueil pour que toutes les richesses spirituelles dont le Seigneur a fait la grâce aux Portugais, demeurent vivantes dans leur cœur.
Mes chers amis, c’est une grande joie pour l’Eglise de Paris que vous acceptiez cette triple mission. Avec reconnaissance, je vous la confie. Que le Seigneur vous accorde à tous et à chacun les bénédictions qu’il réserve à ceux qu’il aime : le courage de la foi, la joie de l’amour, la force de l’espérance par l’intercession maternelle de Marie-Médiatrice, Notre-Dame de Fatima, » Nossa Senhora das Graças ».